Alors que la baisse de la consommation de vin se confirme d’année en année, on a envie de savoir si cette tendance impacte tous les secteurs de l’économie du vin ou en épargnerait certains, le bio notamment. Ca tombe bien, l’Agence Bio diffuse des chiffres clé pour 2022 et le salon Millésime Bio a commandité une étude auprès du cabinet Circana sur les dynamiques d’achat des acheteurs. De quoi faire le point sur la big picture ! Sans doute les cas particuliers ne s’y retrouveront pas.
Un vignoble français de plus en plus bio
Commençons par un rapide tour d’horizon. En 5 ans la France a rattrapé son retard. De 78 000 ha exploités en bio en 2017, elle est passé en 2022 à plus de 170 000 ha de vignes bio, soit 21,46 % du vignoble français, exploitées par 11 000 producteurs français.
Cocorico, la France est en haut du podium : elle est devenue ainsi le premier producteur de vins bios devançant l’Italie et L’Espagne.
Un marché international de plus en plus bio lui aussi
Alors que le marché du vin conventionnel marque le pas depuis plusieurs années, en 5 ans celui du vin bio s’est envolé : + de 50%, passant de 1 Md€ en 2017 à 1,463 Md€.
Un gros bémol cependant car tout les producteurs n’ont pas ressenti cette croissance comme certaines coopératives du Languedoc qui ont beaucoup investi dans le bio et n’arrivent pas à écouler leur production. A tel point qu’elles se demandent si elles ne vont pas repasser en conventionnel. C’est vrai qu’il faut jouer des coudes pour se faire une place sur le marché bio aujourd’hui qui compte beaucoup d’acteurs déjà bien installés dans les différents circuits.
Justement l’évolution n’a pas été la même pour tous les circuits de distribution : s’il y en a qui progressent comme les CHR, les cavistes, la vente directe et l’export, d’autres au contraire marquent le pas : la GD et les magasins spécialisés bio.
Mais alors me direz-vous, comment se fait-il que les vins bio se portent mieux que les autres produits bio qui eux, marquent le pas ? La réponse est là, dans le mode de distribution : c’est la vente directe, au caveau, sur les salons, en ligne, qui aujourd’hui représente 30% des ventes et qui permet aux vins bio de mieux résister.
C’est la part du conseil qui est récompensée ici. La vente d’un vin bio a besoin d’être accompagnée.
Ces résultats sont confortés par la part à l’export moins rémunératrice que la vente directe mais en forte augmentation elle aussi. A noter la marge de progrès potentielle sur ce marché pour tous les vignerons bio car il ne représente QUE 40% des ventes totales.
La vente en GD régresse mais comme elle ne représentait même pas 10%, son impact est moindre. Même constat pour les ventes dans le circuit des magasins spécialisés bio type Biocoop, Naturalia, Bio c’ bon, La vie Claire, pour ne citer que les plus gros, dont les ventes baissent de 7%.
Qui achète du vin bio ?
Alors il y a-t-il encore des consommateurs pour le vin bio ? Eh bien, oui et ils sont de plus en plus nombreux ! on trouve 39% de néo-acheteurs de vin bio au cours des 12 derniers mois. Et ils sont plus jeunes, 46% ont moins de 35 ans. Une étude précédente avait qualifié leur profil : 54% sont des Français contre 33% d’Allemands et 29% de Britanniques, 42% sont des hommes, 61% sont des cadres, ils sont citadins : 75% des habitants de l’agglomération parisienne ont déjà eu l’occasion de gouter à un vin bio ! (source Observatoire européen de la consommation de vin biologique – Millésime Bio/Ipsos octobre 2021).
Et l’avenir se présente plutôt bien : 37% des acheteurs ont augmenté leurs achats de vin bio au cours de l’année (11% les ont réduits). 32% des acheteurs prévoient d’augmenter leurs achats de vin bio à l’avenir (12% pensent les réduire).
Mais les acheteurs de vin bio ne sont pas non plus des ayatollahs du bio (hum, la formulation n’est vraiment pas appropriée). En effet 92% d’entre eux sont mixtes : ils achètent 42% de vins bio et 58% de non bio : ceux qui prévoient d’augmenter leurs achat en vin bio sont plus nombreux que ceux qui prévoient d’augmenter leurs achats de vins non bio.
Enfin dernier point d’importance, plus les acheteurs cherchent des vins de qualité, plus ils considèrent que le vin doit être bio : entre 5 et 10€, 27% des acheteurs estiment qu’ils est indispensable que le vin soit bio. Au dessus de 15€, ils sont 36% à le penser. C’est le minimum requis qu’on attend d’un vin cher !
Une réserve : les restaurants
Un point important mise en lumière dans cette étude : 23% des actes d’achat de vin bio se font en CHR, prioritairement dans les restaurants, loin devant les bars à vin et les brasseries…
Et là les consommateurs considèrent que c’est un circuit qui valorise mal les vins bio. Les notes qu’ils leur accordent sont sans appel.
Et ma modeste expérience en la matière me fait approuver cette notation. A la bouteille comme au verre, les vins bio qui figurent à la carte des différents restaurants que j’ai fréquentés récemment ne sont là que pour afficher un alibi bio : pas de cohérence dans les choix, juste ratisser large pour caresser le client dans le sens du poil.
Loin du parcours initiatique que bien des sommeliers rêveraient d’offrir à leurs clients ! Cet instant jubilatoire où une étincelle éclaire le regard du convive ! Dommage car les bonnes découvertes se font souvent au restaurant. Regardez à la table d’à côté : votre voisin n’est-il pas en train de photographier l’étiquette de sa bouteille ?
Les restaurateurs ont-ils réellement conscience de la responsabilité qu’ils endossent ? L’avenir du vin se joue aussi sur les cartes.
François