Dans un article précédent on vous présentait l’appellation Châteauneuf-du-pape à partir de son sol et de ses terroirs. Comme promis aujourd’hui, on vous parle de ses vins à travers quatre domaines mythiques.
La richesse des vins de Châteauneuf-du-pape s’explique aussi par les histoires aussi variées les unes que les autres des vignerons. Des générations qui disposent chacune d’un caveau pour accueillir les touristes du monde entier au sein de cette bourgade d’un peu plus de 2000 habitants. Le village est aussi l’occasion d’un parcours à pied pour apprécier son riche patrimoine et son architecture médiévale dont le point d’orgue reste le fameux Château des Papes dont on aperçoit les vestiges de la tour sur les hauteurs de cette ancienne résidence d’été des souverains pontifes avignonnais.
Il faut partir à la découverte de ses petites ruelles authentiques entre les détours de dégustations aux caveaux et domaines où déguster le divin nectar. Le Château des Papes date du 14ème siècle, classé Monument Historique en 1892, l’Église Notre Dame de l’Assomption est du 12ème siècle, la Chapelle Saint Théodorit ou encore la Chapelle du Bienheureux Pierre de Luxembourg et les oratoires (St Marc, St Joseph, oratoire du Crucifix)… Le village a même la chance de posséder une chocolaterie artisanale, la Chocolaterie Castelain, histoire de souffler une envie d’ateliers en accords « Vins et Chocolats ».
Domaine de la Barroche
Ici, c’est l’histoire d’une famille installée depuis le 14ème siècle. Alors que la génération précédente vendait au négoce, la vente de vin sera ensuite gérée directement par le fils dès son arrivée en 2002 accompagné par sa soeur. Le domaine présente 15 ha répartis sur une grande diversité de terroirs, avec une organisation parcellaire des grenache, mourvèdre, syrah, cinsault et une plantation récente de counoise (pour les blancs : clairette, grenache blanc et roussanne). Les terroirs sont à dominante de sables et argiles au nord et nord-est de l’appellation tandis qu’une seule parcelle de galets roulés subsiste avec de vieux cinsault à l’ouest. La particularité ? De vieilles vignes, avec une moyenne d’âge de 65 ans dont des grenache de plus de 100 ans !
L’objectif familial est d’avoir des vignes avec une bonne longévité et une qualité du végétal, sélectionné chez le célèbre pépiniériste Lilian Bérillon, selon une sélection massale avec des portes greffes résistants et la pratique de vieilles techniques de greffes en T (en fente) privilégiées à la technique de l’oméga. Ici, la plantation de nouvelles vignes se fait avec le respect du cycle de la nature, sur des terres reposées 7 ans au minimum. Les travaux des sols sont méticuleux, avec des labours entre les rangs, entre les ceps et aux pieds (enlever les herbes appelé ici « la picole »).
Après une sélection manuelle des meilleures grappes, les styles de vins obtenus sont portés sur la finesse et l’élégance avec fraicheur contrairement à la puissance de ceux sur galets roulés, et ce grâce aux sols sableux. Fermentation à température contrôlée en cuves béton, élevage dans de gros contenants pour privilégier l’oxygénation au goût du bois, expérimentation en œuf béton permettent au domaine d’offrir une large gamme de vins, blancs et rouges.
Une cuvée ? La Cuvée Pure, un rouge de 2020 issu de vignes centenaires de grenache dans le secteur mythique de Rayas sur des sables fins : ce terroir donne un vin fin et ciselé avec une salivation sur l’avant de la langue, des fruits rouges généreux, des tannins intégrés en délicatesse tels des grains fins, rappelant le toucher du talc, et qui deviendront soyeux dans les années à venir !
Château de Nalys
L’histoire du château de Nalys remonte à 1633. A l’époque, c’était une ferme installée près de l’eau, entourée de puits à 6 mètres de profondeur, permettant la culture vivrière et de la vigne, sur un promontoire permettant d’obtenir des vignes vigoureuses. Le premier exploitant, Jacques Nalis, était fermier de l’évêché d’Avignon. Ce fut un domaine longtemps réputé pour ses vins blancs, une couleur que l’on oublie souvent dans cette célèbre AOC de Châteauneuf-du-pape.
Pas d’irrigation en place, ici le travail est mené dans la tradition, laissant les vignes en autonomie totale.
Côté géologie, on retrouve une matrice sablo-argileuse, donnant des vins veloutés avec une belle structure tannique grâce à la présence de cette eau sous terre alors qu’aucune eau ne coule à Châteauneuf-du-pape (pas de ruisseau ni de sources sous terre).
Côté vinification, il y a une politique d’assemblage dans la maison avec 4 cuvées composées de 2 blancs et 2 rouges. Complantation et co-fermentation sont les mots clés du domaine. Avec ces dualités de terroirs, on retrouve ainsi une cuvée axée sur la finesse des sables face à une cuvée sur la puissance des argiles.
On retrouve aussi le cépage syrah, avec une viticulture adaptée sur fil de fer sachant ce cépage fragile avec les 100 jours de mistral par an – il ne peut résister à ce milieu extrême qui parfois peut même décapiter les pins du domaine comme on peut l’observer en s’y promenant. C’est ainsi le seul cépage autorisé au palissage, avec ici une taille en cordon de Royat.
Au chai, le grenache est plus oxydatif que la syrah et vieillira donc dans de grands foudres tandis que la syrah en demi-muids. Dans l’appellation, on peut mettre autant de cépages blancs que l’on veut dans les vins rouges, ce qui explique tant de diversité parmi les vins de ces domaines familiaux.
Au château de Nalys, 10 ha sur les 75 ha sont dédiés aux cépages blancs.
On déguste ? La cuvée blanche est un assemblage de grenache blanc, bourboulenc, clairette et le restant de la collection des cépages blancs autochtones (picardan…), millésime 2020, Sainte Pierre de Nalys, un blanc au nez fin et floral de fleurs blanches d’amandiers, une pointe saline en bouche, même très saline et salivante avec une belle fraicheur en bouche. La clairette est connue pour l’amertume apportée par ses tannins à gérer en phase de maturité comme un rouge en récolte très mûre, selon Ralph, et c’est ce qui apporte cette salinité ! La fermentation malolactique a été bloquée pour conserver cette vivacité sur un millésime si solaire que 2020.
Côté rouge, découvrons en 2020 après 2 ans de foudres, 6 mois de cuves béton, la cuvée Sainte Pierre : 75% grenache, 20% syrah et 5% de la collection restante des cépages autochtones pour apporter les épices. En assemblage, le grenache sur ce terroir de sables apporte tendreté, sur fond de fruits et d’épices.
domaine Pierre Usseglio
Un accueil chaleureux où l’esprit de famille règne vous attend au domaine Pierre Usseglio, installé depuis plusieurs générations. Aujourd’hui, les frères Usseglio gèrent 45 hectares dont 23 sur Châteauneuf-du-pape, 10 hectares sur Lirac et le restant en Côtes du Rhône et vins de France.
L’objectif 2023 est de privilégier les fûts et les amphores (ou plus précisément les jarres en terre cuite) pour l’élevage. Aux yeux des frères, la jarre apporte un côté crayeux, de la fraîcheur et des notes salines aux vins.
En dégustation, la cuvée Première Pierre 2021, composée de 70% de clairette puis grenache blanc, bourboulenc est vinifiée en amphore (40%) et fût (40%) et en cuve inox 1 an sur lies. Elle offre un nez citronné, une bouche ronde, légèrement vanillée et fumée, large en salivation avec une belle profondeur.
Côté rouge, le 2020 domaine Pierre Usseglio et fils qui deviendra prochainement la cuvée Première Pierre, composé de 80% grenache, 10% syrah, mourvèdre et cinsault, a suivi une macération longue et un an d’élevage en foudres et demi-muids : un plaisir de cerise griotte, notes de cacao et chocolat noir ainsi que de cuir.
Nous avons eu la chance de découvrir la version rouge en millésime 2004, 100% grenache issu de 3 parcelles, sur 6 hectares de galets roulés, de sables et d’argiles. Une diversité de terroirs offrant une dégustation aux notes épicées, de safran, de zan et pruneau, avec un toucher en bouche plus tendu, une finesse sur fond de cerise au sirop.
domaine de Beaurenard
Huit générations interprètent l’amour de la nature et sa biodiversité au domaine de Beaurenard, nom de la parcelle historique de la famille Coulon, certifiée en biodynamie.
Après la visite des chais et zone d’embouteillage, direction la partie cave et zone de vieillissement où reposent en silence une accumulation de barriques mais aussi derrière des grilles en fer forgé, de vieilles collections de millésimes de 1880 jusque 1929 : un trésor que seuls les membres de la famille auront plaisir à apprécier et transmettre !
Les vendanges sont manuelles et selon le premier décret de l’AOC, on imposait l’utilisation de deux seaux pour distinguer celui avec des grappes pas assez mûres ni assez belles pour l’appellation (ce qui représente 5 à 25%) et l’autre seau dédié aux grappes à maturité idéale .
Ici la cuvaison est longue, entre 15 et 35 jours, avec des levures indigènes, ce qui permet de fixer durablement dans le temps les cuvées, sans faire de surextraction. Toutes les fermentations sont finies sur marc, une pratique peu courante.
Que découvrir en bouche ? Côté blanc, la cuvée Beaurenard de vieilles vignes en complantation de clairette, roussanne, bourboulenc, grenache blanc, piquepoul, picardan avec davantage de clairette et de roussanne ce qui donne un vin à la robe jaune voire or, un nez complexe de fruits jaunes mûrs de pêche et d’herbes aromatiques fraiches, une sensation de bouton d’or et un volume en bouche à la texture veloutée, un fond de fraicheur et une belle longueur sur des notes de pamplemousse jaune.
Le Châteauneuf-du-pape 2020 est grand assemblage, frais, équilibré et avec une belle maturité des tannins très présents, un vin solaire ! Le Châteauneuf 2016 offre quant à lui un nez très mûr, au pistil de safran, très fin, des tannins très présents, épicé et poivré.
Alors, on sillonne sur les routes de Châteauneuf-du-pape en quête de vins de terroirs (sur sables, galets, calcaire…)?
Audrey
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