Elle peut être blonde, brune ou rousse. On peut la déguster en pression, bouteille ou canette. Boisson millénaire, affectueusement appelée « petite mousse », elle est composée à plus de 90 % d’eau ainsi que de houblon, de malt et de levure. La bière, boisson rafraîchissante évoquant les moments de convivialité, les matchs de foot, les concerts, la fête… connaît depuis quelques années une profonde évolution.
La France est aujourd’hui le 7e producteur de bière en Europe. Les Français en consomment en moyenne 33 litres par an, selon Statista. Même s’ils sont loin derrière les Tchèques et les Allemands avec respectivement 101 et 75 litres par an et par personne, c’est la seule boisson alcoolisée dont les ventes continuent d’augmenter, en particulier grâce à la production de bières artisanales. L’hexagone compte ainsi une dizaine de brasseries industrielles délivrant la majeure partie de la production de bière. Les deux principaux fabricants sont le Néerlandais Heineken et le danois Carlsberg, détenteur de la filiale française Kronenbourg. Cependant, les modes de consommation de bière des Français ont beaucoup changé ces dernières années, et le marché connaît une grande transformation.
Le développement du « sans alcool »
Sur le marché du « sans alcool », c’est la bière (entre 0 et 1,2 % d’alcool selon la législation française) qui connaît le plus grand succès. Entre les consommateurs qui s’inquiètent des méfaits de l’alcool sur leur santé, ceux qui ne peuvent pas en boire, ou ceux qui doivent ensuite prendre le volant, les raisons de se tourner vers ces dernières sont de plus en plus nombreuses. Même si elles ne représentent que 3,7 % du marché total des bières, leur progression ces cinq dernières années a été de 147 % (Xerfi, 2022).
Les marques industrielles comme Kronenbourg avec les « Tourtel Twist », ou « 0.0 » de Carlsberg dominent le marché, mais les bières artisanales ne sont pas en reste comme la Brasserie du Mont-Blanc avec la « Cristal IPA 0,0 % », d’autant plus que dorénavant les procédés de désalcoolisation à froid et sous vide permettent de maintenir les qualités gustatives des bières.
Le mouvement « craft », autrement dit de la bière artisanale, est né aux États-Unis entre la fin des années 70 et le début des années 80. Des Américains, las de boire des bières industrielles totalement fades, décident de remettre au goût du jour différentes recettes traditionnelles comme celle de la IPA ou de la Stout. De nombreuses micro-brasseries voient ainsi le jour, faisant redécouvrir les goûts variés et authentiques de la bière grâce, entre autres, à des houblons et des levures de qualité assemblés avec audace.
En France, le nombre de brasseries artisanales (produisant jusqu’à 50 000 hl de bière par an) et de micro-brasseries (produisant jusqu’à 10 000 hl) a presque quintuplé entre 2014 et 2021 pour atteindre un total de près de 2 300 brasseries aujourd’hui. Or, même si le poids de ces dernières dans la production nationale reste encore assez limité avec environ 8 % du total des ventes de bières, les brasseries artisanales continuent de se développer et de gagner, année après année, des parts de marché, ce qui inquiète d’ailleurs les producteurs industriels.
Les brasseries artisanales et micro-brasseries sont des structures indépendantes, produisant elles-mêmes leur bière et la distribuant en général à un niveau local (ville, département, maximum région), principalement à des caves à bières ou à des distributeurs indépendants. Leur particularité est de brasser des matières premières de qualité selon un procédé classique, authentique, sans rajouter de produits chimiques ni de conservateurs. Dans de nombreux cas aussi, les bières ne sont pas pasteurisées afin de laisser la fermentation suivre son cours et une variété de saveurs se développer. Leur succès témoigne de l’importance de l’artisanat et de la mise en avant des produits locaux.
Bière des Bräu est une micro-brasserie grenobloise qui a vu le jour en 2020. Ses fondateurs, Paul et Nico, deux passionnés, considèrent que la bière est un produit qui permet de l’inventivité et de la créativité. Paul explique qu’avec Nico ils aiment créer des recettes originales, un peu farfelues mais qui leur ressemblent et qu’ils ont plaisir à brasser. Derrière chacune de leurs bières se cache une anecdote. Selon lui, les trois piliers de la « craft » sont l’indépendance, la créativité et la taille humaine.
L’importance grandissante des accords mets/bières
Côté gastronomie, les accords mets bière rencontrent de plus en plus de succès. Alors qu’il y a quelques années encore, il était impensable de boire de la bière pendant un repas, les habitudes changent. Déguster une tomme aux fleurs accompagnée d’une IPA artisanale va, par exemple, permettre aux acides gras du fromage de faire ressortir les arômes de houblon de la bière. Les chefs français ne sont pas en reste. Pierre Sang Boyer, fervent défenseur de cette boisson, aime réaliser des créations culinaires en association avec la bière brune artisanale dont il trouve que les arômes riches se marient bien avec la douceur de la patate douce et l’acidité de l’orange par exemple. La cheffe étoilée Hélène Darroze réalise, elle, des recettes d’accords pour une grande marque de bière industrielle.
Enfin, l’apparition en 2019 des néologismes zythologie et biérologie (deux synonymes qui se rapportent à l’étude de la bière, du brassage et des brasseries) montre l’intérêt grandissant pour ce qui a trait à cette boisson. D’ailleurs, le métier de zythologue se développe lui aussi. Comme le sommelier, il est capable de déguster, conseiller et de vendre de la bière dont il maîtrise parfaitement le processus de fabrication. Il intervient lors du brassage, et oriente le choix des styles de bières.
La zythologue Élisabeth Pierre n’a de cesse de faire connaître l’univers de la bière, au travers de formations professionnelles et d’ouvrages. Elle a de surcroît créé le cercle Bierissima qui met en avant la présence des femmes dans l’univers de la bière – un univers dont l’imaginaire est traditionnellement associé au masculin. Cette boisson n’a, de toute évidence, pas fini de faire parler d’elle.
Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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