Au comptoir du caveau, peu avant midi, deux dames respectables dégustent : Maman a 91 ans, elle prend son verre tous les jours. Déjà du temps de papa on avait l’habitude d’acheter ici, on connaissait bien Claude Cogné ; puis nous faisions une petite marche avant d’aller déjeuner à La Remaudière.
Nous sommes à St-Christophe de la Couperie, entre Vallet et La Varenne, en Maine et Loire.
Pour les locaux, sachez que le vignoble est tout proche du parc zoologique de la Boissière-du-Doré – 150 000 visiteurs par an- parfaitement fléché. Terre bocagère sur schiste et sol argileux.
Le grand-père Cogné exploitait en polyculture, le fils ainé a gardé les céréales et l’élevage, le plus jeune, Claude, a repris les vignes.
Aujourd’hui, il lève le pied en passant le relai à Yan son fils et Stéphanie sa fille.
Oui, c’est devenu un beau domaine, 50 hectares de vigne, près de 200 000 bouteilles par an.30% à l’export.
Un handicap qui se transforme un avantage
Le vignoble Cogné est la parfaite illustration d’un handicap de départ qui se transforme en avantage compétitif ; un cas à étudier en Master of Wine. Nous sommes ici dans une sorte de zone tampon, entre l’AOC Muscadet et l’AOC Anjou. Une petite bande de terre oubliée par les appellations, juste bonne pour les vins de Pays.
Sauf que, quand vous produisez des vins de Pays- aujourd’hui les IGP, Indication Géographique Protégée -vous êtes libre de planter les cépages de votre choix, vous êtes libres de vos rendements, vous payez moins de cotisation. Bref, si vous êtes un travailleur acharné, talentueux et un peu chanceux comme l’a été Claude Cogné, vous construisez années après années une réputation sur votre nom.
A quelques encablures de là, les vignobles du muscadet, en mono-cépage melon de Bourgogne, souffrent.
Très tôt, mon père a bâti une gamme de cépages et cuvées pour répondre à la demande en blanc, rouge, rosé, effervescent. Les parcelles de chardonnay, sauvignon, pinot noir, cabernet franc, gamay se sont multipliées. Les méthodes culturales ont changé, moins de chimie, plus de culture raisonnée avec un label Terra Vitis, et puis, le savoir-faire du vigneron régulièrement récompensé au Concours agricole, aux Ligers.
Bingo !
Les vins de cépage ont le vent en poupe, la demande à l’export est soutenue. C’est tout bon, on va leur montrer qu’il n’y a pas que la Nouvelle-Zélande ou l’Afrique du Sud pour produire des sauvignons au top ! Et là, c’est la consécration : le prestigieux Concours Mondial du Sauvignon 2017 attribue sa plus haute récompense au Vignoble Cogné. Leur sauvignon blanc 2016 a reçu la médaille d’or pour la catégorie « sauvignon non boisé » et le trophée Révélation, en compétition avec 860 vins issus de 22 pays. Les récompenses ont été remises lors du salon ProWein au printemps dernier, impact maximum !
Un sauvignon à 4€ la bouteille !
Evidemment, j’ai voulu goûter la merveille. Très difficile d’avoir un avis lorsqu’on goûte un vin auréolé de gloire. Bien sûr qu’il est bon, manquerait plus qu’il ait des défauts ! En fait, j’aime l’éco-système de l’IGP Val de Loire, étiquettes non prétentieuses, vin agréable et accessible à tous ; la fiche tarifaire, là, sur le comptoir le prouve. Quoi ? Le sauvignon champion du monde sort à 4€ la bouteille !
On avait fait la grille juste avant la récompense, mais là, pour les fêtes on va peut-être bouger un peu les prix.
L’ombre au tableau, c’est malheureusement les gels successifs de 2016 et 2017 et des volumes lourdement amputés. Allez ! les clients fidèles ne se détourneront pas pour autant ; c’est la force d’une réputation.
Jean Philippe