NoLow : les (très) gros moyens

Lorsqu’on questionne les vignerons dans les allées de WineParis, le vin-sans-alcool, ils ne disent pas tous non : Sylvie Plessis du Moulin de Chauvigné à Rochefort sur Loire me répond : on ne m’en a jamais demandé mais s’il le faut pourquoi pas ?

De fait, pas mal de vignerons s’y sont mis comme par exemple Coralie de Boüard, propriétaire du Château Clos de Boüard en Saint Emilion qui en est à sa cinquième cuvée et considère les vins sans alcool comme une locomotive vers sa gamme traditionnelle. Même son de cloche à la Villa Noria qui développe une gamme de vin sans alcool appelée LEVIN, porte d’entrée vers ses vins du Languedoc…

une révolution ?

Un marché de niche ? Ne vous y trompez pas : le monde des NoLow n’est pas dans les mains d’écolos illuminés, d’enfants de producteurs de vin nature, ou de descendants d’éleveurs de chèvres dans le Larzac, juste séduits par une TVA à 5,5%.

Les  gros s’y sont collés : en France des coopératives comme Cordier by Invivo, Tutiac. Et aussi et surtout des groupes internationaux comme Australian Vintage qui vend 1 million de caisses de vins sans alcool au Royaume-Uni, Pernod-Ricard, Moet-Henessy avec sa filiale spécialisée, armée de stratégie marketing. Ils briguent tous des croissances à deux chiffres chaque année.

Et Selon l’IWSR, leader mondial des données sur les alcools, la France est potentiellement LE gros marché pour les produits NoLow.

Bien loin du vigneron qui clame haut et fort : et moi je fais le vin que j’aime…

comme des champignons

Juste pour les Quataris du PSG ? Non, les NoLow ont leurs points de vente spécialisés comme Le Paon qui boitGueule de Joie, La Cave Parallèle qui se déploie de Nantes à Aix-en-Provence.

Présents chez Nicolas, dans les Monoprix, avec leur positionnement premium on les retrouve aussi dans les temples de la consommation des bobos chics parisiens comme la Grande Epicerie du Bon Marché, les Galeries Lafayette le Gourmet.

Egalement à la carte de restaurants étoilés comme celui d’Anne-Sophie Pic à Valence, David Toutain à Paris, Jérome Jaegle à Kaysersberg, Alexandre Mazzia à Marseille, Freia à Nantes et bien d’autres encore qui trouvent au passage une façon de reconstituer leur marge sur des ventes à la bouteille plutôt qu’au verre.

Ces boissons arrivent de partout : Belgique, Italie, Allemagne, Royaume-Uni, Lithuanie même…Leurs cibles : les sodas bien sûr mais surtout…l’eau. Celle qu’on consomme par défaut, qui serait le symbole du déplaisir et de l’abstinence, et qui grignote la place du vin dans les zones de stockage des restaurants.

Pour autant, ce qu’ils proposent est-il devenu buvable ?

Exercice pratique

Avec mes quelques (dizaines) d’années à quêter le graal au fond du verre, je suis bien conscient que je ne suis pas la cible de ces marques NoLow qui émergent de toutes parts. Impossible pour moi de m’extraire du schéma « ça y ressemble » ou plutôt « ça n’y ressemble pas du tout ».

Alors avant de passer à la dégustation, je m’adjoins les services de Léon, étudiant en BTS-Viti-Oeno, consommateur de ces produits en soirée. Il m’avoue qu’avec d’autres étudiants de sa promo ils organisent des soirées sans alcool où chacun apporte la bouteille de son choix.

Ils se sentent mieux, apprécient d’avoir les idées claires et de ne pas risquer d’écorner leur précieuse E-réputation sur TikTok ou Instagram par des photos de beuveries qui leur seraient reprochées toute leur vie.

Nous nous dirigeons ensemble vers l’espace des dégustations libres des NoLow sur WineParis 2025. Après un premier stop devant les effervescents -Mais où sont passés les arômes ?- je m’offusque du volume de bulles dégagées par cet extra brut blanc de blanc de French Bloom, la marque phare de Moët-Hennessy.  A la façon d’une Bud, les bulles explosent en bouche. Avec beaucoup de bonne volonté le jus résiduel pourrait rappeler un chardonnay…Léon, lui, trouve ça pas mal. Peu de sucrosité et ils ont réussi à conserver l’amertume du champagne.

crash test

On fait ensemble un tour sur les vins tranquilles : les blancs. On s’attarde sur un sauvignon blanc de Pierre Chavin ensuite un colombard des Hauts de Montrouge dans le Gers que Léon trouve intéressant, un autre des Vignerons Créateurs dans le Gard. Les notes végétales s’imposent à chaque fois. Finalement un dernier colombard de Moderato me parait assez équilibré je dois dire, avec une certaine longueur. C’est bien celui-ci que je choisirais si toutefois je devais acheter une bouteille.

Du côté des rouges c’est plutôt la consternation. Que ce soit le Moon merlot de Tutiac, le Lamothe merlot cabernet-sauvignon de Joerg Geiger, ou le Rouge merlot tannat de Moderato, si l’attaque en bouche se remarque, après plus rien, zéro longueur ! Les tanins sont très présents et Léon suggère : Y a intérêt à les servir bien frais ! Au bout d’un moment, nous nous accordons à dire qu’aucun ne trouve grâce à nos yeux.

Aucun qui pour moi pourrait se se substituer à un rouge traditionnel. Aucun pour Léon qu’il aurait envie de faire découvrir à ses copains.

produire du non-vin

Sommes nous trop sévères ? A 35€ la bouteille de French Bloom rosé, on peur avoir des exigences ! J’ai quand même tendance à penser que les commentaires positifs que l’on peut entendre de droite et de gauche sont surtout affaire de complaisance…

Oui, c’est vrai qu’il y a eu de gros progrès d’une année sur l’autre : l’osmose inversée, la désalcoolisation sous vide et les levures non Saccharomyces s’améliorent de jour en jour. Mais pourquoi chercher à tout prix à parler de « vin » ? N’est-ce pas une usurpation autorisée par les Pouvoirs Publics ? S’il faut faire abstraction de nos références classiques autant leur chercher une autre dénomination. Mais personnellement je n’ai rien à proposer !

Bon, pas de jugement définitif, laissons les chimistes, les ingénieurs en mécanique et les œnologues travailler encore une année et on re-tentera en 2026 !

et vive le jus de raisin !

A tout prendre, me confie Audrey de Génération Vignerons en fin de conférence de rédaction, je préfère encore les raisins de cépage d’Alain Milliat et ses accords mets-jus :  tu choisis soit un chardonnay, soit un merlot, ou un cabernet rosé, tu bois un vrai jus de fruit sans fermentation aucune, sans procédé de vinification et surtout sans aucune technique industrielle de désalcoolisation. Là tu as la fraicheur, tu as les arômes, tu es es vraiment sur le fruit.

Sans le story-telling.

François

Ecrit par Francois SAIAS
--------------------------------------------------------------- Réalisateur documentariste pendant de nombreuses années, François a gardé la curiosité de son premier métier et s'est investi depuis dans le monde du vin, ses rouages, son organisation, ses modes de fonctionnement.
Catégories : le métier

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