Incursion oenotouristique : on vous la fait courte. Il fît d’abord un temps de gueux, un nouvel épisode Cévenole selon certains ou un orage maritime selon d’autres, Béziers se réveillait en larmes, les pieds dans l’eau…
Puis l’été Indien est subitement apparu sur les rivages de la Méditerranée. A 10 km au Nord de Montpellier et à moins de 30 km du littoral méditerranéen nous attendait un vignoble de choix, laissant Aigues Mortes dans sa séduisante Camargue.
Nous avons donc bondi vers les premières collines boisées annonciatrices d’un terroir déjà bien reconnu mais à l’AOC distincte seulement depuis peu : Le Pic St Loup !
On y trouve une grande diversité géologique, calcaires durs, dolomie, éboulis … mais le trait commun se trouve ailleurs.
C’est dans ce climat particulier qui apporte une fraîcheur savoureuse dont les vins savent si souvent conserver la trace.
Sur les voies Romaines
Et direction le Château de La Salade St Henri au patronyme étrange pour s’installer dans le monde des vignobles. Nous rencontrons un membre de la courageuse famille Supply, à Saint-Jean de Cuculles.
Cyrille nous explique : le casque romain retrouvé sur le terrain, la reprise du vaste domaine familial par Anne Donnadieu alors pharmacienne à Paris.
Notre guide est disert.
C’est un homme de terrain, impliqué, très polyvalent et qui connait les vignes.
120 hectares à travailler.
La cuvée 1803, millésime 2018 est une belle surprise.
Elle sera sélectionnée pour nos amis œnologues de Bretagne comme un vin très évolué, apte au vieillissement, mais aussi déjà prêt pour la dégustation plaisir. Un fruit légèrement confituré sans être lassant (framboise, raisin de Corinthe), des tanins fondus, une belle longueur en bouche. C’est un vin très séduisant.
Les vins sont fins, ce qui n’est pas vraiment une surprise compte tenu du terroir…
… certes si Aguirre est fougueux, il n’est pas si colérique que son nom pourrait le laisser croire. Sur les deux millésimes dégustés, l’impression est la même : les vins sont tendus, précis et équilibrés, le fruit est présent, les arômes sont déjà ornés de notes complexes.
Un joli travail de vigneron que nous quittons pour explorer d’autres facettes de l’AOC.
Une Coopération qui a du bon
Il y a les pour, il y a les contre selon qu’on est amateur éclairé ou pas. Les coopératives viticoles du sud ont pris du plomb dans l’aile au point qu’aujourd’hui leurs bâtiments sont souvent abandonnés. D’architecture vaguement post art-déco, elles émaillent le territoire sans projet distinct car les coopérateurs sont moins nombreux et en grande concurrence avec des domaines de plus en plus qualitatifs.
Les vignerons coopérateurs du Cellier du Pic ont donc compris qu’il fallait sortir des habituelles grosses productions et chercher à produire des cuvées plus abouties. Utiliser son talent, son savoir-faire. Trouver un produit fer de lance.
Ce que la cuvée Galabert confirme amplement, en syrah et grenache à égalité, pour un rapport qualité prix bluffant. À présenter à l’aveugle à des amateurs un soir de grillades.
Les coopératives ont donc encore de belles histoires à nous raconter.
Clavel, Magie de la biodynamie
Retour en arrière au Domaine Clavel pour aller voir ce que le féminin peut apporter encore une fois à la « science » mêlée d’intuition qui entoure les vinifications.
Estelle, magicienne, a préparé les nectars dans nos verres. Tout y est longiligne et empreint de finesse, exaltant sans être roboratif. Des jus magnifiques. On est en jour fruit, les raisins sont bio et surtout il y aussi la biodynamie.
La « vibrance » du fruit est là.
Impossible de pas relâcher la garde et tomber sous le charme de ces vins.
Pierre son mari, est un chanceux admiratif. Estelle a donné une dynamique vraiment différente, chaque vendange appelle une modération des gestes. Grappe entière, toute rafle ou égrappage selon les années et le fruit. Un travail d’équilibriste. Mais il n’y a pas de tri.
En blanc, ravissant assemblage de 7 cépages. Les Grenache blanc, Roussanne, Marsanne, Vermentino, Viognier, Clairette et Bourboulenc roulent sous la langue.
C’est Cascaille, équilibré, aromatique, sec et fruité. Vinifié et élevé en demi-muids et cuve ovoïde béton pendant 14 mois. Ce n’est pas le hasard qui fait bien les choses.
On hésite à recracher et puis on rêve un peu : si on avait le droit de s’excuser auprès du gendarme ?
Les Rouges sont fins et sublimes, partant de la cuvée Bonne Pioche aux tanins veloutés, à la finale ronde et délicate. Nous arrivons à la cuvée d’exception Des Clous, expression de trois côtes : blonde rousse et brune qui flirtent avec les rayons du soleil. Le grenache noir apporte cette finesse aromatique essentielle, des cassis mûrs, cerises cuites au chaudron, les tanins sont là et guideront les années de garde. Floral, fruité, pointe de tapenade et garrigue. Douceur.
Avec la biodynamie, on a beaucoup changé dans nos pratiques mais surtout dans nos vies. Nous percevons les choses.
Et le partage est là, dans ces vins de Pic St Loup qui nous étonnent et que nous regoûterons au cœur de l’hiver près de l’océan.
Alors, nous pourrons voyager dans le temps et revenir en rêve randonner sur les contreforts cévenols, au cœur des Garrigues. Un retour pour bientôt ?
Jean-Luc
photo à la Une : ©domaine Clavel