Profession caviste ambulante

Petit matin frais sur le marché de Saint Clément des Baleines, Marie s’affaire avant l’arrivée des premiers clients : déballer les bouteilles, placer les étiquettes sans faire d’erreur, checker le terminal de carte bancaire, claquer la bises à ses voisins qui déballent eux aussi…frippes, sacs à mains, mais aussi produits frais, pêche, maraichage, on s’interpelle gaiement de stand à stand avant le lancement de ce marché d’été.

Dans son espace de vente d’à peine 6m2 Marie Laborderie, caviste ambulante, accomplit la prouesse de rassembler un échantillonnage assez large de ses 150 références de vin, tout en bio ou naturel bien sûr.

J’ai toujours voulu travailler avec des petits producteurs qui avaient cette exigence du bio et de la biodynamie. Savoir qu’il n’y a pas eu de produit chimique, de désherbage chimique, eh bien cette résonnance là on la retrouve dans le vin..

Avec son langage posé, ses propos mesurés et des jugements tout sauf définitifs, on comprend vite que derrière une grande discretion se cache non pas une opportuniste qui a cédé aux sirènes du Wine Truck, mais une vraie professionnelle du vin :  à 36 ans, Marie s’est construit un savoir-faire pointu de la commercialisation des vins naturels.

Alors quel est le chemin qui conduit d’une formation de sommelier aux marchés tendance de la Nouvelle Aquitaine ?

Itinéraire d’un sommelière débutante

Son bac pro resto mention sommellerie en poche après un premier bac L, Marie part travailler en Andorre puis à Barcelone pour importer des vins. Là elle développe une collaboration avec un caviste de Béziers, Philippe Catusse à l’époque du Clos Saint Gabriel : et il m’a débauchée pour l’ouverture de son bar à vin le Chameau Ivre.

Notre sommelière en herbe reprend ses études pour obtenir une spécialisation plus poussée : un brevet professionnel Sommellerie en alternance.  Je suis restée 4 ans chez Philippe Catusse, une étape fondamentale de ma formation et puis je suis partie à Toulouse au Temps des vendanges chez Eric Cuestas, une très très belle cave et enfin je suis arrivée à La Rochelle pour travailler à Ze’Bar…

Mais au bout de 2 ans de travail de nuit, le rythme devient pesant et trop contraignant : j’ai encore fait une autre saison dans un autre bar à vin, bar de nuit et là j’ai réalisé que je voulais créer ma propre structure, repasser en cave pure et en rythme diurne.

Marie décide donc il y a 4 ans d’ouvrir une cave à La Rochelle.  Mais comment s’installer dans une ville où les loyers des emplacements recherchés peuvent facilement atteindre les 2500 euros par mois ? Les marchés sont venus naturellement parce que c’était le moyen le plus simple et le moins onéreux pour me lancer. J’ai pu  faire ma place petit à petit.

the flying wine shop

J’ai commencé à travers la Couveuse d’Entreprise de Charente Maritime qui vous permet de tester votre activité à moindre risque. J’y suis restée 9 mois, et ça m’a permis de savoir aussi si j’étais capable de faire un marché : monter un parasol, monter un stand…

Car la vente du vin sur un marché n’obéit pas aux mêmes codes que ceux d’une cave dont le client pousse la porte…Comme pour en apporter la preuve vivante, une touriste en mocassins Todds et sac Hermès se plante devant nous :

-Vous avez du Pineau ?

Bien sûr j’ai un excellent Pineau bio et Demeter de David Ramnoux à Mareuil propose notre caviste…

-Ah il est blanc ? Mais Moi je veux du rouge ! Et là, Génération Vignerons vole au secours de Marie…

-Madame, si je puis me permettre, du blanc, oui, du rosé c’est possible, mais du rouge, non, ça n’existe pas.

-A 11€ en plus ? Mais c’est beaucoup trop cher !

-Allez voir à la supérette à côté, vous le trouverez à 19€ je lui rétorque…

Marie, imperturbable, reprend : Trois quart de ma clientèle est fidèle, ce sont des gens que je vois une à deux fois par mois. Ca me permet, une fois qu’on a cerné leur gout de leur faire découvrir des choses, des pépites rien que pour eux. En contrepartie ça me fait beaucoup de gestion de stock et comme j’ai aussi développé la clientèle des restaurateurs pour lesquels j’interviens comme sommelière conseil, c’est de la trésorerie, de la place et de la manutention. C’est assez lourd. 

côté pile

Voila pour les limites du format « cave ambulante ».

Mais l’avantage c’est de pouvoir s’adapter à différentes circonstances : ce camion équipé de plusieurs caves de service peut aussi se transformer en bar à vin.

Dans cette configuration, les présentoirs disparaissent au profit d’un comptoir non pas en zinc mais en joli bois wengé qui héberge, sur une ardoise, la carte des vins du jour. Avec quelques méduses en papier suspendues au plafond le tour est joué !

quelle réglementation pour les bars à vin ambulants ?
Cette question me taraude : faut-il une licence de débit de boisson ?

Vérification faite auprès du Syndicat des Cavistes professionnels, lorsqu'il s'agit d'une foire, d'une fête de village par exemple, les débits de boisson temporaires ne sont pas soumis à licence.

Une autorisation de la mairie (souvent elle-même l'organisatrice de l'événement) suffit. Il faut faire une demande auprès de la mairie du lieu de tenue du débit de boisson. Il n’existe même pas de formulaire, il suffit d'appeler la mairie concernée.

côté face

Alors oui, au cours des fêtes de village, plutôt nombreuses tout l’été en Charente Maritime, cette version « bar à vin ambulant » permet à  notre caviste d’évangéliser une clientèle étrangère au sans soufre et qui découvre les délices de la biodynamie et des vins naturels.

J’aime avoir ce premier contact avec les clients, je ne me vois pas du tout marchand de vin sur internet ! me confie-t’elle.

 

 

En biodynamie, le vin ne manque pas de sel

Pour Marie, on le retrouve sur les finales : un sol qui est vivant, une vigne qui est vivante, reflète l’attachement du vigneron à sa terre, il n’a pas la même sensorialité, Il ne se passe pas la même chose sur un vin cultivé en biodynamie : très souvent la note finale est un peu plus haute, un peu plus longue et presque saline. Et ça c’est la marque du terroir. 

Alors on est tenté de demander à Marie Laborderie si elle serait tentée un jour par le métier de vigneron, la réponse est claire : Ah non je sais boire le vin, je ne sais pas le faire !

François

Ecrit par Francois SAIAS
--------------------------------------------------------------- Scénariste, réalisateur, documentariste pendant de nombreuses années, François a gardé la curiosité de son premier métier et s'est investi depuis dans le monde du vin, ses rouages, son organisation, ses modes de fonctionnement.

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