L’INAO pour les nuls

La qualité, un mot qui revient en boucle, à tout propos ! Si le vocabulaire est riche pour qualifier les produits, l’idée est toujours la même : la qualité c’est le mantra d’aujourd’hui. Chez nous, c’est la pierre angulaire du Made In France, la condition de notre survie !

Et Génération Vignerons n’y échappe pas qui consacre toute son énergie à mettre en valeur les méthodes, les produits de qualité. Oui tout le discours sur le vin aujourd’hui tourne autour de ses caractéristiques qualitatives. Et ça parait normal, évident…

Pourtant, pourtant…

On revient de loin, il faut le dire : entre l’oïdium, le phylloxéra, le mildiou, l’arrivée des vins d’Algérie, l’importation des vins étrangers, la surproduction chronique, la chaptalisation à tout-va, les vins falsifiés, la viticulture française a été passablement mouvementée depuis le milieu du 19ème siècle. Normal, il fallait faire pisser la vigne pour abreuver les régions industrielles de la France.

Par exemple, au début du 20ème siècle, le négoce bordelais et bourguignon n’hésitait pas à venir s’approvisionner à Tain l’Hermitage  et à Châteauneuf-du-Pape, les vins de ces deux communes leur servaient à donner du corps et de la couleur à quelques petits millésimes écrit Jean-Robert Pitte dans Le désir du vin.

Il ne faut pas oublier qu’en juin 1907 s’est produit dans le Midi la révolte des vignerons. La France était au bord du chaos quand Clémenceau envoyait la troupe tirer sur les manifestants à Narbonne qui réclamaient la mise en place de droits de douane sur les vins italiens et espagnols, une réglementation du sucrage et l’interdiction de la fraude.

Leur slogan :

Le raisin pour le vin, le sucre pour les berlingots !

Mais la Première Guerre mondiale passant par là, il fallut bien fournir les rations quotidiennes aux soldats, le pinard des poilus, à raison d’un quart de litre en 1914, un demi litre en 1916, puis trois quarts de litre en 1918 !

Une fois retournés à la vie civile, les anciens combattants conservèrent leurs habitudes de consommation et absorbèrent ainsi la surproduction chronique jusqu’en 1940 où là, il fallut se serrer la ceinture…Bonjour l’alcoolisme d’Etat.

Entretemps, les prémices d’une réglementation de la qualité se mettaient en place. Apparition officielle de la notion d’Appellation d’Origine en 1905 qui sera réglementée tout d’abord par l’Administration puis à partir de 1919 par les tribunaux administratifs. Cette loi de 1905 est à la base de l’organisation de la répression des fraudes,  mais elle n’interdit pas de planter en cépages à grand rendement et de qualité médiocre certains sols impropres d’une région renommée : les vins sont bien d’une authenticité absolue, mais d’une qualité inférieure, capables de disqualifier la région…

C’est Joseph Capus, un ancien ministre de l’agriculture de Raymond Poincaré, député sénateur, très impliqué dans les institutions viticoles qui est à l’origine de cette réflexion et il a une idée géniale : l’origine contrôlée. La « loi Capus » en 1935 créé un « Comité National des Appellations d’origine des vins et des eaux-de-vie » qui va devenir en l’Institut National des Appellations d’Origine des vins et des eaux-de-vie. Sa grande innovation sera de constituer légalement une nouvelle catégorie des vins et eaux-de-vie à appellation d’origine dite « contrôlée ». il protège non seulement le nom du produit, mais aussi ses caractéristiques et son lien fort avec un terroir délimité. C’est le point de départ du succès de nos AOC.

Une sacrée invention !

On pourrait dire que si l’on est aujourd’hui ici en train de tchatcher sur la qualité de nos vins, c’est sans doute grâce à la création de cette organisme sans équivalent dans le monde :  l’INAO…

Le périmètre de L’INAO, devenu entretemps L’Institut National de l’Origine et de la Qualité de la filière viticole tout d’abord, s’est élargi depuis 1990 à l’ensemble de la production agricole.

Ainsi, c’est l’INAO qui délimite les aires géographiques des zones de production en s’appuyant sur des bases scientifiques dans le domaine de la géologie, pédologie, agronomie, histoire, géographie, sociologie, ethnographie…

C’est l’INAO qui accompagne les porteurs de projets de reconnaissance sous signes officiels. C’est la formule consacrée pour les groupements de vignerons qui soumettent un projet d’appellation par exemple.

A l’initiative des vignerons eux-mêmes…

Et c’est une notion fondamentale : de même qu’en 1907, les vignerons réclamaient la mise en place d’une réglementation, ce sont les professionnels, toujours, qui se regroupent pour soumettre leur cahier des charges. L’INAO examine alors leurs propositions et donne un avis, fixant notamment les conditions de production et la zone de production le cas échéant. Cet avis sera entériné ou non par un décret ministériel.

C’est aussi L’INAO qui  est chargé de la supervision du dispositif de contrôle pour l’ensemble des Signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine, les SIQO. Il ne se substitue pas aux laboratoires de contrôle mais il agréé et évalue les organismes indépendants chargés du contrôle du respect des cahiers des charges.

Enfin c’est l’INAO qui s’assure en France et à l’International que les noms des produits sous signes officiels ne fassent pas l’objet d’usurpation ou de détournement de notoriété. Pour cela, l’INAO s’appuie notamment sur les professionnels et les interprofessions, sur un réseau d’avocats international, et sur le réseau diplomatique français.

Terroir versus Territoire

Une idée intéressante à capter, c’est la différence établie entre la notion de territoire et celle de terroir. Pour les IGP Indications géographiques protégées, le lien repose généralement sur un élément saillant des caractéristiques de l’aire géographique. On évoque alors la notion de lien au territoire.

Pour les AOP (équivalent européen des AOC), le lien repose sur un système d’interdépendances entre le milieu naturel et les actions de l’Homme. On parle alors de terroir : Le terroir est un espace géographique délimité, dans lequel une communauté humaine construit au cours de son histoire un savoir collectif de production, fondé sur un système d’interactions complexes entre un milieu physique et biologique, et un ensemble de facteurs humains. Les méthodes de production, dans leur singularité, confèrent alors typicité et réputation au produit issu de cet espace géographique.

C’est une notion fondamentale pour définir les AOP/AOC.

François

 

 

Ecrit par Francois SAIAS
--------------------------------------------------------------- Scénariste, réalisateur, documentariste pendant de nombreuses années, François a gardé la curiosité de son premier métier et s'est investi depuis dans le monde du vin, ses rouages, son organisation, ses modes de fonctionnement.

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