Les grands blancs de Brézé, un petit air de western

Dès que la contrainte des 100km sera tombée, voici une ballade vigneronne vivement conseillée : les coteaux du Saumurois.

Une fois arrivé à Saumur vous montez directement sur le plateau en prenant la direction de Montreuil-Bellay. Vous traverserez l’aire de l’appellation Saumur-Champigny et sa mer de vigne un peu monotone.

Et puis surgit Brézé au cœur des coteaux du Saumurois, vous la voyez de loin, la butte qui culmine à 100m coiffée d’un joli bois, mais c’est le majestueux château de Brézé qui attirera votre regard.

Allez-y, pénétrez dans le parc, longez les écuries et approchez du château ouvert à la visite.

Aujourd’hui propriété du comte de Colbert il est à lui seul un concentré d’histoire de l’ancien régime : Maillé-Brézé, Dreux-Brézé, des seigneurs, des amiraux au service des rois de France.

En fait, vous allez découvrir, tout comme ses 100 000 visiteurs annuels non pas un mais deux châteaux.  Tout en bas à 17 m de profondeur, une forteresse médiévale troglodyte taillée dans le tuffeau et au-dessus un admirable château Renaissance remanié dans un style néogothique au 19èmesiècle.

Chateau de Brézé
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Mais où sont les vignes ?

Parler de Brézé à un maître- sommelier et vous verrez son visage s’illuminer. Des grands blancs, Monsieur, le berceau du chenin, a dit Curnonsky. Des vins de cour que Versailles honorait. Voyez ces clos de murs derrière le château, voyez ce sol fin et sableux sur la butte de calcaire, gage de fraîcheur et d’acidité.

Les plus grands blancs de Loire sont nés ici, à n’en point douter !

Comme souvent en Anjou, la gloire de Brézé a connu des hauts et des bas.

Des terroirs ont disparu ou sont passés de goût sans que l’on sache trop pourquoi.

Entre les deux guerres, les coteaux angevins de Brézé jouissaient d’une extraordinaire réputation, notamment ceux qui provenaient de la butte du château et ceux du clos des Carmes, dont les moines de l’abbaye du Mont-Saint-Michel se servaient pour célébrer leurs messes… Nous dit Robert de Goulaine dans son Livre des Vins Rares ou Disparus (Bartillat 2002).

Le marquis, disparu trop tôt n’a pas pu témoigner de la belle remontada des saumurs blancs de Brézé.

Une poignée d’acteurs-clés sont à l’origine de cette renaissance.

En premier lieu, les frères Foucault du Clos Rougeard, pionniers de l’agriculture biologique en Saumurois et vinificateurs hors-pair qui hissèrent leurs crus dans la galaxie des plus grands vins. Romain Guiberteau, leur élève, au parcours fulgurant. Le domaine Filliatreau, le domaine de Rocheville et celui d’Arnaud Lambert, le fils d’Yves, qui bataille depuis 15 ans avec la famille de Colbert pour la propriété de la marque Château de Brézé.

Un petit air de western

Ça chauffe un peu autour de Brézé. Pensez-donc, la famille Bouygues qui rachète le Clos Rougeard en 2017 pour la coquette somme de 14 M€ selon la RVF, le groupe chinois Yusei qui fit récemment l’acquisition de deux châteaux avec leur vignoble. Il y a bien une pression sur les prix à Brézé, m’indique M. Boisvin, d’Initio Conseil, on atteindrait 25 000 -30 000 € l’hectare planté sur le côté est de la butte, avec un nombre très réduit de transactions.

Le prix des bouteilles, lui, s’inscrit carrément à la hausse. On atteint 100€ pour le Brézé du Clos Rougeard, 65€ pour le Clos des Carmes de Guiberteau, un peu moins pour les autres. Des prix qui peuvent doubler dans les ventes aux enchères, tant la rareté et la spéculation font la loi.

Le sésame Brézé serait-il magique ?

On sait qu’il fait merveille sur les tables des étoilés de France ou d’ailleurs, là où les clients sont friands des belles histoires qui accompagnent leur bouteille de Grand Blanc de Brézé.

 

C’est quoi Brézé au juste ?

C’est d’abord une commune de 1300 habitants, au plutôt une commune déléguée car Brézé a récemment fusionné avec Chancé et Saint-Cyr-en Bourg pour former la nouvelle commune de Bellevignes-les-Châteaux.

232 hectares de vigne dont 84h en chenin y sont exploités par une quinzaine de vignerons.

C’est une commune dans l’aire de l’appellation saumuroise, rien de plus me dit Guillaume Reynouard du manoir de la Tête Rouge, au Puy-Notre-Dame, président du Syndicat des vins de Saumur. En droit de la vigne et du vin, c’est une sorte de « trou noir». Ni un lieu-dit inscrit au cadastre, ni une indication géographique, ni bien sûr une AOC.

Peut-on indiquer le nom de Brézé sur l’étiquette d’une bouteille ? M. Cellier, délégué régional de l’INAO, est formel, si la mention communale ne figure pas au cahier des charges de l’appellation, et tel est le cas ici, la réglementation ne l’autorise pas. Y-a-t-il une forme de tolérance comme tenu de l’histoire viticole de la commune ? Tant que la DGCCRF n’a pas envoyé sa lettre recommandée… .

La section Saumur blanc du syndicat a des velléités de crus communaux, poursuit M. Reynouard, notre équipe y travaille pour hiérarchiser les crus sous une forme ou une autre et mettre en valeur le saumur blanc haut de gamme. On sait qu’une telle démarche prend des années, voire une dizaine d’années avant d’aboutir.

Une piste est donnée par l’AOC lilliputienne Coteaux-de-Saumur – 11ha déclarés, moins de 300 hl produits en moelleux dont l’aire est délimitée par un certain relief – 50 à 80 m- sur un sous-sol calcaire turonien. Pourrait-on l’étendre au chenin sec ?

Un monde bipolaire

Nous avions dégusté en février dernier les grands vins du domaine Guiberteau – merci à Lucie B.- et ceux du domaine Arnaud Lambert tous deux situés à Saint-Just-sur-Dive.

Les comptes rendus de dégustation seront associés à un dossier sur les différentes expressions du chenin. Pour l’heure, en cette fin de période de confinement, c’est le moral du vigneron que nous avons voulu sonder.

Arnaud Lambert a cette formule imagée : nous vivons un monde bipolaire, à la vigne tout s’accélère, alors que le commerce est à l’arrêt. Sa voix reprend du sourire quand il me parle de son millésime 2019, superbe en volume comme en qualité.

Il est dit que le berceau de chenin blanc, à l’histoire millénaire, ne trébuchera pas, fois de Saumurois !

 

 Jean Philippe

 

Image à la Une : ©domaine Romain Guiberteau

Ecrit par Jean-Philippe RAFFARD
--------------------------------------------------------------- Toujours volontaire pour une virée dans le vignoble du bout de la Loire, du bout de la France, du bout de l’Europe ou du bout du monde, là où il y a des vignerons, là où il y a du bon vin. Jean Philippe n’oublie pas sa vie antérieure en marketing-communication pour lever le voile sur le commerce du vin et l’ingéniosité des marchands.

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